Voyage dans un petit pays aux grandes saveurs, Culinaire Saisonnier

Nous sommes chez Baptiste Heugens, du restaurant Two6Two à Strassen au Grand-Duché de Luxembourg.

Baptiste Heugens

Ce jeune Belge obstiné ne trouvait pas les opportunités qu’il recherchait en Belgique et il décida de tenter sa chance au Luxembourg. Quelques années plus tard, les premières distinctions tombèrent et il fut nommé Jeune Chef de l’année au Luxembourg.

Difficile d’apercevoir directement le restaurant, légèrement caché par un petit espace de stationnement. À peine sortis de notre voiture nous sommes impatients de découvrir ce qui nous attend, car nous avons été chaleureusement encouragés par notre ami René Mathieu: “Vous devez y aller, vous ne serez pas déçus, il a beaucoup de talent et son nom est sur toutes les lèvres ici au Grand-Duché.” Ce conseil s’est avéré être en or. Dès le seuil de la porte, nous ne pouvons qu’être surpris du contraste entre notre idée de départ et la vision qui s’offre à nous. Des chaises gaiment colorées jouxtent des canapés blancs et des œuvres d’art modernes ornent les murs du restaurant. Le déjeuner bat encore son plein et nous sommes invités à patienter. À l’arrière du restaurant, une grande fenêtre semble donner sur l’infini. Nous attendons avec impatience notre rencontre avec Baptiste.

 

Foie gras, hibiscus, rhubarbe, Jasmine Blossom
Foie gras, hibiscus, rhubarbe, Jasmine Blossom

Vrai Wallon

Au bout de quelques minutes, il arrive et nous annonce: “Toutes mes excuses, vous allez devoir patienter encore un peu. Le service du déjeuner n’est pas terminé, et, malheureusement, je ne peux pas quitter ma cuisine.

La brigade n’est formée que de quatre membres, dont seulement trois travaillent ce jour-là. Nous finissons par pouvoir échanger avec ce jeune homme très calme et qui s’avère pourtant être plutôt bavard. Baptiste: “Je suis un vrai Wallon. Je suis né à Soignies, dans la région de Mons et j’ai fait une partie de ma carrière à Bruxelles. Mon avenir était tout tracé, parce que la cuisine a toujours été omniprésente à la maison. Il y avait toujours beaucoup de monde chez nous, amis, famille, peu importe, et il y avait toujours de quoi se sustenter et qui plus est, copieusement. Je pense que je devais avoir sept ou huit ans lorsque j’ai commencé à aider en cuisine lors des différentes fêtes et c’est moi qui faisais les desserts. J’ai toujours trouvé que la cuisine rassemblait les gens et qu’il en ressortait des conversations intéressantes. Dès que mon âge le permit, j’ai décidé de suivre une formation de cuisine et j’ai fait des stages à l’Écailler du Palais Royal et au Sea Grill. J’ai d’ailleurs effectué mon premier vrai travail après ma période scolaire au Sea Grill, au côté d’Yves Mattagne.” Baptiste y travaille durant près de 3 ans, puis décide de se tourner vers la cheffe Stéphanie Thunus, du restaurant Au Gré du Vent à Seneffe.

Coquille Saint-Jacques, poireau, caviar, Borage Cress
Coquille Saint-Jacques, poireau, caviar, Borage Cress

Fines nuances

Ce furent des années très riche. C’était une toute petite équipe et il eut la liberté d’élaborer la carte avec la cheffe. “Grâce à cette liberté, j’ai acquis plus de confiance en mes capacités et j’ai trouvé mes marques, c’est ce qui m’a permis de trouver le courage de poursuivre mon parcours culinaire au Luxembourg. J’ai toujours eu envie d’avancer au plus vite et en Belgique, je n’ai tout simplement pas eu l’occasion de le faire. J’ai mis du temps à trouver mon chemin ici et j’ai travaillé dans des restaurants qui ne valent pas la peine d’être mentionnés. C’est alors que j’ai commencé à travailler dans cette maison et j’y suis devenu sous-chef au bout de 6 mois. Lorsque le chef a décidé de partir au bout d’un an, je me suis porté candidat.

Lorsque l’on est un jeune chef, le regard que l’on pose sur le monde est ambitieux et grand ouvert, et ce fut le cas pour Baptiste: “Je veux faire une cuisine qui ait du goût dès la première bouchée. Tous les éléments d’un plat doivent former une synergie au point de générer des souvenirs et la combi­naison de deux à trois saveurs par plat doit amplement suffire pour y arriver. La puissance que génèrent ces trois saveurs ne doit vraiment pas être sous-estimée. Je pense qu’elle est là la force d’un chef, de cuisiner un plat le plus sophistiqué possible, avec un nombre limité d’ingrédients sans pour autant porter préjudice à l’excellente qualité des produits. Cela s’appelle l’équilibre. La haute cuisine se cache dans les petits détails et c’est dans la distinction de ces détails que se révèle toute la délicatesse d’une dégustation. C’est dans cette zone que je tends à me situer. L’originalité ou la créativité sont secondaires à mes yeux. Ces fines nuances, ces saveurs raffinées on peut les obtenir grâce aux Cress, tant que leur dosage et leur disposition sur un plat soient parfaitement respectés, mais à qui raconter cela?

Joue de porc, pickles de chou et carotte, Tahoon Cress
Joue de porc, pickles de chou et carotte, Tahoon Cress

Signature

Nous décelons, comme chez beaucoup de jeunes chefs, des notes acides subtilement abouties dans les plats de Baptiste. Dans chaque préparation, il y a cette présence de traits vifs et délicats qui rendent le plat plus frais à la dégustation. Baptiste: “Avec un bon dosage, les plats se veulent plus digestes. L’acidité amène de l’équilibre à un plat et représente la signature gustative que je souhaite faire découvrir à mes clients. Les légères notes acides des Cress génèrent une harmonie et précisément cette synergie que je recherche. En d’autres termes, des plats aux saveurs bien définies mais qui mettent vraiment vos papilles en éveil. Une bonne dégustation ne signifie pas que tout doit être délicat, il faut aussi pouvoir y apporter de l’émoi.

Comme le veut la tendance actuelle, Baptiste essaie de travailler local mais il n’exclut cependant pas l’offre internationale. “La cuisine évolue constamment et je ne me détourne pas de ce qui se passe à l’international car cela peut m’inspirer ou nourrir mes ambitions. Bien sûr, j’essaie d’utiliser des produits luxembourgeois dans la mesure du possible, mais en ce qui concerne les Cress en particulier, ce serait une perte pour moi de ne pas les utiliser. Le Luxembourg est un petit pays plein de fierté et je souhaite vraiment le représenter au maximum de mes possibilités, mais il existe par ailleurs des produits comme ces microvégétaux et ce sont de si beaux produits que vous ne pouvez tout simplement pas les ignorer. Je ne veux pas m’enlever l’opportunité de pouvoir les exploiter. Les trames acides qui amènent de la digestibilité à mes plats se retrouvent naturellement dans les Cress et c’est précisément ce qui rend ma cuisine unique. Ce genre de produit souligne encore plus la signature que je souhaite apposer. Ce processus de recherche est en constante évolution et cela va de pair avec le développement de la gastronomie au Luxembourg. Notre gastronomie est peut-être encore réduite mais elle possède un grand potentiel. Si vous y apportez quelque chose de nouveau, avec les bonnes valeurs, la reconnaissance des convives arrive très rapidement. J’utilise les Cress depuis le premier jour dans ma cuisine, nous ne pouvons pas nous en passer, et d’ailleurs pourquoi le ferions-nous?

 

Caneton, aubergine, sarrasin, Ghoa Cress
Caneton, aubergine, sarrasin, Ghoa Cress

Coordonnées

Two6two

Route d’Arlon 262, Strassen
Tel. 00352 621 213 208
www.two6two.lu

Source: Culinaire Saisonnier France 72 - Hiver 2019

Gravlax d’elbot, chou rouge, pomme, Bean Blossom
Gravlax d’elbot, chou rouge, pomme, Bean Blossom